Roland HOUDAILLE – Le 12 février 2018 à 16h33
Des décisions urgentes sont freinées par la réglementation française
C’est un débat organisé par les Jeunes agriculteurs et par Sud Ouest et animé par Nicolas César, journaliste à Sud Ouest. Il a lieu le 9 février à la salle des fêtes de Barcelonne-du-Gers, immédiatement après le discours d’inauguration de la foire. Les deux experts qui s’expriment sur la bataille de l’eau sont Hervé Le Treut (1) et Jean-Luc Capes (2).
Énoncé du problème
L’eau douce devient plus rare pour deux raisons :
- les chiffres de la population mondiale, actuellement de 7,8 milliards d’hommes, atteindront 9,2 milliards en 2040,
- le réchauffement climatique, dû aux gaz à effet de serre s’intensifie : il provoque une évaporation plus rapide, donc plus de sécheresse.
Quelles solutions ?
Pour nos deux spécialistes, il n’y a pas une seule solution, mais une combinaison de solutions :
- faire des économies d’eau : continuer à en faire (l’agriculture française a réalisé 30 à 35 % d’économie d’eau en 10 ans), introduire le goutte-à-goutte (qui permet une économie de 20 à 30%), travailler sous couvert végétal (qui retient l’eau) en semis direct, utiliser les eaux usées retraitées (0,1 % de ces eaux est utilisée, contre 10 % en Espagne et 65 % en Israël),
- stocker l’eau dans des retenues à construire ; mais c’est là que la réglementation française – plus exigeante que celle de nos voisins – retarde des projets qui finissent par ne pas aboutir ; en juin 2013, un moratoire de Delphine Batho (alors ministre de l’environnement) sur les travaux de barrage a débouché sur des projets de territoire qui prennent des années, alors que les retenues construites il y a plus de 30 ans ont été décidées et ont été réalisées plus rapidement,
- utiliser des plantes résistantes à la sécheresse, un peu comme la coopérative Plaimont Producteurs introduit des plants de vigne qui produisent moins d’alcool malgré le réchauffement climatique,
- prendre le problème dans le bon sens : quels besoins de produits de l’agriculture avons-nous dans tel territoire et quels besoins en eau pour y faire face ?
Une situation inquiétante si l’on ne réagit pas rapidement
Les deux experts s’entendent pour juger fondamental de faire un effort d’éducation sur l’eau et l’agriculture dès l’école, pour que les enfants comprennent que sans eau en plus, ils n’auront plus d’agriculture française. Alors que, de nos jours, tout projet suscite immédiatement des blocages.
Hervé Le Treut insiste sur le fait que les effets du réchauffement climatique sont décalés dans le temps : nous avons aujourd’hui les résultats des conditions d’il y a 30 ans. Il faut bien avoir conscience que les effets du réchauffement sont cumulatifs et quasi-pérennes, puisqu’il faut une centaine d’années pour que les gaz à effet de serre émis à un certain moment soient éliminés.
Henri-Bernard Cartier, président de la Chambre d’agriculture du Gers intervient de la salle pour attirer l’attention sur le fait que les cours d’eau du Gers sont fragiles : leur débit dépend du canal de la Neste qui leur apporte de l’eau.
(1) Climatologue de réputation internationale, spécialiste de la simulation numérique du climat. Il a effectué en 2013 une étude avec 150 chercheurs sur l’influence du changement climatique en Aquitaine. (2) Agriculteur dans les Landes, secrétaire général des Irriguants de France, c’est un spécialiste de l’irrigation. Il est président du groupe « Eau » de la FNSEA.