Roland HOUDAILLE – Le 11 février 2018 à 18h51
…qui y répondent vertement
Vendredi 9 février, Matthieu Plouvier, président du Comité de foire de Barcelonne, inaugure la foire. Après avoir remercié toutes les personnes qui s’impliquent dans la réussite de cette 45e foire au matériel agricole d’occasion, il prononce un discours entièrement empreint de la détresse et de la colère du monde agricole.
Des prix, des vrais !
Pour lui, depuis sa 1re foire comme président il y a 10 ans, les choses n’ont pas évolué en bien. Pourtant, la profession agricole fait de son mieux chaque jour, mais rien n’y fait : « Nous sommes toujours considérés comme des pollueurs, des utilisateurs d’eau et nous sommes accusés de ne rien respecter » et « le citoyen demande toujours plus, mais une fois dans le supermarché, le prix passe avant tous ses principes ».
Il faut des prix justes pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier. En théorie, les États généraux de l’alimentation peuvent apporter des solutions, mais Michel-Édouard Leclerc (1) ne semble pas aller dans ce sens : « il faut que le gouvernement calme les grandes surfaces qui se croient tout permis ».
Adresse « aux élus qui trustez la place médiatique »
Des aides ont été promises par le département et la Région : beaucoup les attendent depuis trop longtemps, « c’est inadmissible !»
Vous défendez les Zones défavorisées avec les agriculteurs (2), « c’est très sympa, mais ça ressemble plus à un gros coup de com contre le gouvernement ». Il enfonce le clou : « Alors stop à l’hypocrisie, revenez sur terre…Agissez pour ce quoi vous avez été élus ».
Projets de territoire
Matthieu Plouvier reconnaît que c’est en grande partie grâce à Philippe Martin que les projets de territoire ont vu le jour : « Très bien (…) Mais ce n’était que la phase constat, quand on parle de solutions, tout change et les paroles s’envolent ».
Surtout que les associations environnementales font des discours et envoient des courriers que l’orateur résume ainsi : « Nous avons conscience qu’il y a un manque d’eau, mais par principe et sans proposer d’autres solutions, nous serons contre ! [l’irrigation] ».
Et Matthieu Plouvier poursuit : si l’on dit non à l’irrigation, on pourra « dire adieu à tout un tissu économique local allant du petit agriculteur, à la grande entreprise agro-alimentaire en passant par les vendeurs de matériels ».
En conclusion, il déplore « trop d’exploitations en faillite, trop de lynchages médiatiques gratuits, trop de promesses d’argent en vain,trop de clientélisme politique et malheureusement, trop, beaucoup trop de suicides ! »
Une dernière botte : « Quand allez-vous cesser de penser à votre personne et à votre carrière ? Vous êtes nos élus ! Et, pour le moment, vous participez à la désinformation sur la réalité de la désinformation des Français ! (…) Vous nous faites passer pour des empoisonneurs !»
Et les médias sont accusés de préférer « vendre leurs feuilles de chou plutôt que d’expliquer la réalité des faits ! »
Philippe Martin n’accepte plus le procès fait aux élus et aux collectivités locales
Philippe Martin, président du Conseil départemental, défend les collectivités locales : elles s’engagent dans des opérations du ressort de l’État avec leurs propres finances. Exemple : le repeuplement des palmipèdes – 120 000 – a été assuré par elles.
L’engagement pour les zones défavorisées (ZF) n’est pas un coup de com. On en a parlé en 2014 avec le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. On a réussi à faire rentrer 50 communes du Gers dans le nouveau zonage, mais on voit de communes où il n’y a pas d’élevage y entrer et d’autres en sortir qui font de l’élevage. Alors que ces ZF sont conçues pour sauver les zones où l’on ne peut faire que de l’élevage. « Je n’accepte pas de porter des chapeaux qui ne m’appartiennent pas ! », ajoute-t-il. N’avons-nous pas fait preuve de mansuétude envers les jeunes agriculteurs qui avaient vandalisé l’étang du Moura ? 390 communes du Gers sont en ZD et 73 en sont sorties.
Philippe Martin conclut : l’objectif du conseil départemental, c’est que le Gers sorte gagnant.
Franck Montaugé au micro
Le sénateur du Gers estime que Matthieu Plouvier se trompe de méthode, sinon de combat, car « nous avons besoin de travailler ensemble ». Les objectifs sont les mêmes. Il donne des exemples :
- l’abattoir d’Auch a été sauvé par son action quand il était président du Grand-Auch,
- la demande de la hausse des retraites agricoles à 85 % du Smic : il y travaille,
- l’évolution des coopératives avec prises de participation des coopérateurs, en collaboration avec Plaimont Producteurs,
- préparation du CFP (Cadre financier pluriannuel de l’Union européenne) et révision de la PAC qui représente 38 % du budget européen (« c’estcompliqué et cela pourrait mal tourner »).
De plus, le sénateur travaille à la mise en place d’une prestation de service environnementale par les agriculteurs.
Bref, les élus sont aux côtés des agriculteurs pour faire progresser la situation, mais il ne faut pas attendre que les autres décident pour nous. Franck Montaugé conclut par la remarque d’un collègue : « On ne s’en sortira que si l’on construit des équipements hydrauliques dans un cadre reconnu par tous et que cela ne dure pas des années » et « que serait l’agriculture gersoise si l’on n’avait pas construit d’équipements hydrauliques il y a 40 ans ? »
Réaction de Matthieu Plouvier
Après ces réponses des élus, Matthieu Plouvier, interrogé par Le Journal du Gers, se borne à ce constat : « Les politiques n’aiment pas qu’on les secoue ! »
N.B.
Ronny Guardia-Mazzoleni représentait Carole Delga, présidente de la Nouvelle Occitanie. Il décrit les projets de la Région pour « accompagner, valoriser et développer » l’agriculture.
Catherine Séguin, nouvelle préfète du Gers, se dit consciente de l’importance de cette foire. Elle souligne l’enjeu important qu’est la relève des agriculteurs qui partent en retraite (il y a 170 installations par an). S’agissant de l’eau, une cartographie des cours d’eau est à l’étude. Enfin, elle se dit décidée à toujours préserver le dialogue.
De nombreux élus étaient présents: notamment Élisabeth Dupuy-Mitterrand, présidente de la Communauté de communes du Bas-Armagnac et Vincent Gouanelle, conseiller départemental du Grand-Bas-Armagnac.
(1) Responsable des hypermarchés Leclerc. (2) On distingue deux grands types de zone défavorisée (ZF): les zones de montagne et les zones défavorisées simples, du fait notamment de contraintes géographiques (climat, pente, mauvaise productivité de la terre ou du milieu naturel etc.). La carte des ZF détermine le versement de crédits en provenance de l’Union européenne, appelés «indemnité compensatoire de handicaps naturels». (d’après Le Figaro).